Le pouvoir des mots
J’étais loin de me douter de la variété d’applications de rencontre qui existaient sur le marché. J’en ai choisi une au hasard, parce que le logo me plaisait. Déformation professionnelle, je travaille dans la communication.
Maintenant, le plus dur reste à faire, je bloque sur la création de mon compte. Pas question de m’inscrire sous mon vrai prénom. Je n’assume pas. Pas avec ce que je prévois de mettre dans ma description. Ce serait la honte si quelqu’un de mon entourage me reconnaissait ! J’opte donc pour un pseudonyme. J’ajoute une lettre à mon prénom, je déplace les autres pour en former un nouveau. Un simple jeu de chaises musicales pour m’émanciper de cette fille gentille que tout le monde connaît. Celle qui ne s’habille ni trop court ni trop long, qui ne se maquille ni trop, ni trop peu. Celle qui n’est jamais versée dans les excès. Une fille ennuyeuse quoi.
Avec ce pseudo, je veux sortir de ma chrysalide pour assumer enfin mes envies. À trente ans, il serait temps.
L O Ï S E
Cinq lettres qui sonnent comme une libération. Il est parfait ce pseudo.
Je poursuis sur mes préférences. Je sélectionne l’option “homme” en laissant de côté les femmes et les couples. Je suis une hétéro convaincue, et malgré mes envies de découvertes, les femmes ne m’attirent pas. Vient ensuite le motif de ma recherche. J’hésite entre une “relation amoureuse” ou “rien de sérieux”. La seconde option est plus en phase avec mon nouveau moi, mais mon petit côté fleur bleue n’a jamais cessé de croire en l’âme sœur. Je le fais taire en optant pour le mode sans prise de tête.
J’ai désormais un compte, mais aucune photo. Je suis réaliste : sans image, ma recherche n’a aucune chance d’aboutir. Me voilà donc en train de faire défiler ma galerie à la recherche de la perle rare. Un cliché qui me dévoile un peu, mais pas trop. Je mets la main sur l’un des rares où l’on me voit de loin, debout dans une pose quelconque, mais vêtue d’une robe courte plutôt sexy. Il présente l’avantage non négligeable de masquer mon visage grâce à l’ombre imposante jetée par mon chapeau à larges bords. Il me donne un air mystérieux. On peut voir malgré tout que je suis une brune à la taille marquée, dotée de hanches rondes et de deux jambes dénudées laissant apprécier leurs formes fuselées. Je me sens désirable. Je suis loin d’être une femme fatale, mais je crois que les hommes sont susceptibles de me désirer aussi sur cette photo. C’est décidé, ce sera celle-là.